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jeudi 7 février 2008

Nouvelle fiction

Extrait d'une nouvelle de science-fiction en construction....

"Ses doigts s’agitent dans le vide. Une profonde fatigue l’enrobe toute entière. En son sommeil tourmenté, Zélie explore un monde qu’elle ne comprend pas. Des couleurs irisées l’éblouissent. Des sons distortionnés la déconcertent. Elle cherche des repères dans cet univers inconnu. Elle n’en trouve point. Elle sombre. D'étranges créatures auscultent son corps. Une sourde frayeur s’empare de ses sens. Zélie cherche le contact de son homme. Elle se tourne et se retourne, elle le cherche, elle s’étonne de cette absence sans arriver à franchir la frontière du réveil. Elle frissonne de la tête aux pieds. Elle a froid. Trop fatiguée pour s’inquiéter davantage, elle se laisse bercer par ce vrombissement qui l’assoupit inexorablement. Le temps se fige. Elle dérive.

Elle sent pointer ses mamelons durcis. Elle sent monter le lait en ses seins gonflés. Une douleur lui vrille la poitrine. D’un coup, l’impression de se faire téter lui parcoure la chair. Elle se cambre, elle résiste, elle essaie de repousser cette bouche frigide. Elle n’arrive pas à se réveiller. Son esprit se débat mais son corps ne répond plus. Sa volonté fond comme neige au soleil. La fatigue, tentaculaire, l'emporte. Elle n’a plus la force de se débattre. Trop épuisée pour batailler, elle imagine que son homme a pris le petit affamé. Elle plonge encore plus profondément dans cet incompréhensible songe. Il l’aura emmené dans leur lit pour qu’elle puisse l’allaiter sans bouger. Elle est si fatiguée. Elle se rassure. Elle en appelle à sa raison. Elle se détend. Toujours ce même vrombissement pour bercer ces sensations étranges qu’elle n’arrive pas à déchiffrer. Elle essaie de décrypter ce qu’elle ressent sans y parvenir. Elle s'inquiète. Sa peau nue se couvre de frissons.

Le rêve tourne au cauchemar. Elle ne sent pas le contact de la douce chair de son enfant. Elle ne ressent pas la chaleur de sa bouche gloutonne. Ce qui la tète est plus vorace. Tout lui semble gelé. Elle a si froid. Elle essaie d’ouvrir les yeux. Elle cherche à transpercer ce voile d’épuisement qui l’emprisonne. Elle n’y arrive pas. C’est trop difficile. Elle est paralysée. Elle se laisse bercer par une multitude de couleurs éblouissantes. Ce rêve est de plus en plus étrange. Elle respire bruyamment. Elle grelote. Elle a peur. Elle puise dans toute sa volonté pour ouvrir un œil. Elle force ses paupières, soudainement elle réalise que celles-ci sont collées par une étrange substance. Une sensation gluante agresse ses sens. Elle hoquette. Un goût amer s’introduit dan sa bouche. Elle essaie de bouger sa main mais son poing reste bloqué. Elle tire. Elle force. Zélie sent quelque chose la retenir mais elle n’arrive pas à en déterminer l’origine. Tout son corps est englué dans une matière visqueuse. Elle se concentre sur cette chose glacée qui lui aspire les mamelons. Elle est convaincue que ce n’est pas son enfant qui la tète de cette façon, si froidement, si machinalement. Elle réalise que ses deux seins se font pomper en même temps. Elle sent le lait se vider de ses seins. Toutes ces réalisations concrètes bloquent le liquide nacré que produit sa chair maternelle. L’angoisse étreint son ventre mou. Ainsi dénudée, elle se sent violée au plus profond d’elle-même. Aucun objet ne la pénètre, pourtant l’humiliation ressentie lui est insupportable. Elle rage. Les succions diminuent à mesure que son lait se tarit. Elle a faim. Elle soupire."

Heath

Il avait encore fait la fête jusqu’à l’aube. Comme à son habitude, il était épuisé mais toujours le sommeil le fuyait. Depuis qu’il était rentré de Londres pour se reposer quelques jours, il n’avait fait que s’évaporer les idées troubles entre deux copains et trois filles, n’importe quoi d’artificiel pour panser cette plaie béante qu'il cachait au fond de lui. Cette souffrance intense qui le dévorait de l’intérieur. Tout pour oublier sa solitude interne, tout pour oublier à quel point il souffrait de ne plus être avec elles.

Le jour se lève. C’est à ce moment là que la souffrance est la plus réelle. Ses pensées lui se font la guerre. Il y a aussi ce rôle qui le hante. Ce rôle qui le poursuit comme un mauvais trip. Quel horreur que ce joker de lequel il avait pris la peau. Il n’arrivait pas à se défaire de ces sensations sombres qui aspiraient ces nuits entières. Insomnies extrêmes. Il ne voulait pas avouer qu'il était malade même s'il essayait désespérément de se soigner. Si seulement il arrivait à dormir comme avant. Il regarde la photo de sa toute petite fille. La peur lui vrille le ventre. Ne plus être son père. Elle lui manque terriblement. Il sent se creuser un fossé entre eux. Elles s’éloignent. Cela lui fait mal. Son cœur est en sang. À peine s’il se rend compte qu’il avale deux de ces comprimés qui sont supposés étouffer son anxiété. Il a une mine de déterré. Il décide de prendre une douche. L'eau fraiche lui fait bien. Triste comme les pierres, nu comme un vers, il se couche sans rien espérer. Il rumine ses pensées. Dans un coin d’obscurité quelque chose vit, quelque chose le regarde, quelque chose sourit. Heath n’en a pas conscience, la douleur qui lui perce le ventre prend trop de place. La pleine lune a brillé toute la nuit, la pleine lune se couche avec lui. New-York vibre en toile de fond. Il s'étire dans son lit. Dans sa tête en furie des images d’elles se succèdent, Mathilda, Michelle…

Elle l’a mis à la porte et il ne lui en veut même pas. Il la comprend. Elle a bien fait. Il est intenable. Pourquoi ne peut-il pas apprécier ce qui lui fait du bien à l’âme. Sa femme, sa fille, une famille, une normalité sans strass. Pourquoi doit-il toujours succomber à ce besoin de faire la fête, de s’échapper, de n’en faire qu’à sa tête? Entre deux états de songe, il se comprend à peine, il erre dans le dédale de ses petites misères. Ses pensées se chevauchent les unes par dessus les autres sans qu’il n’en possède le contrôle. À l'heure de ses vérités, il pense à ces dernières conquêtes et il se dégoûte. Combien de fois a-t-il baisé sans aimer durant ces derniers mois? Les filles comme des abeilles ne cherchent qu’à le butiner. Il s’y laisse trop souvent aller. Pourtant aucune de ces femelles n’arrivent à lui faire oublier Michelle. S’il avait été elle, il ne se serait pas non plus supporté. Il se serait foutu lui-même à la porte. Dans un coin d’obscurité, alors que le jour commence à éclairer l’appartement, quelque chose guette, quelque chose se nourrit de cette tristesse qui envahit toute la pièce.

L’homme se tourne et se retourne entre ses draps. Il geint. Il se relève. Il avale un somnifère. Il ne se sent pas bien. Son cœur lui pèse tant. Une angoisse de fond lui fait perdre le cours de sa raison. Il veut dormir, juste dormir plus de trois heures à fois, juste dormir, se reposer, en paix. Il est complètement déréglé par la multitude fuseaux horaire qu’il a traversé ces derniers temps. Son âme souffre. Son corps peine à suivre la cadence. Son téléphone sonne. Il ne répond pas. Il voit sur l’afficheur que c’est Helena. Elle doit venir le voir d’ici quelques jours. Nul besoin de répondre. Il la verra bien assez tôt. Encore une autre belle plante qu’il charmera et baisera en pensant à la mère de son enfant. Il a subitement l’impression d’être englouti au fond d’un gouffre. Il suffoque. Le monde, cette vie qu’il mène, où est le sens de tout cela? Il avale un autre comprimé pour calmer cette anxiété qui le bouffe tout entier.

Si la vie est un jeu d’échecs alors il n’est pas sur de maîtriser cette partie. Sur ce coup là il perd tous ses moyens. Il pense à elle. Elle qui ne veut plus de lui. Elle qui le repousse de plus en plus souvent. Elle qui s’est dégoûtée de lui. L’aime-t-il encore, il ne sait plus très bien. Il passe tellement de temps à chasser d’autres femmes qu’il ne se pose même plus la question. Car s’il se la pose, il connait la réponse. Oui, il l’aime encore. Il le sait très bien au fond de lui. Il l’aime encore mais il n’arrive plus à la rejoindre. Pourtant elle l’aime encore, il le sent tout au fond de sa chair. Elle l’aime encore mais pour combien de temps? En son cœur déchiré résonnent de puissants sentiments. Elle l’a jeté mais c’est lui qui a démissionné le premier en la décevant si profondément. Que peut-il faire maintenant? Il pense à son petit bout de fille. Il a laissé l’enfant à sa mère. Son ange tombé du ciel. Il aime tant être son père. Il a besoin d'elle pour grandir tout autant qu'elle a besoin de lui. Il avait tant d’ambitions à sa naissance. Dans ces moments là de ses dérives intérieures, il réalise combien il aime ce petit bout de lui qui lui ressemble tant. Il l’aime comme jamais il n’a aimé auparavant. Il soupire. Il ferme les yeux. Les premiers mois de la vie de cet enfant l’ont tout simplement renversé. Jamais il n’avait connu tel joie, tel bonheur, telle bien-être, telle sérénité, telle profondeur. Sa petite fille, ailleurs, sans lui, sa fille à lui, sans lui.

Il se recouche, les idées emportées en un infernal tourbillon, il lui est impossible de trouver le sommeil. Le cœur en miettes, l’esprit hors de contrôle, il prend l’une de ces pilules contre la douleur. Il somnole. Une heure passe, la matinée s’affirme, il ne sent plus rien. Il se tourne et se retourne entre ses draps froids. Il grogne, laissant échapper une souffrance que personne n’entend. Il est seul. Seul dans les ruines de sa vie sentimentale. La femme de ménage devrait arriver d’ici quelques heures, ensuite la masseuse et puis la fête, encore, tard dans la nuit, pour oublier, toujours plus. Sa tête est en feu, des idées troubles engloutissent chacune de ses pensées. Il prend une autre pilule pour panser sa peine. Il se force à ne pas bouger. Des flashs du joker lui reviennent en mémoire. Il en perd ses morales, ses repères, il glisse. Quel métier de merde. Et toute cette superficialité, toute cette dope, toute cette surface qui brille, tout ce creux qui scintille. Il en marre. Sa poitrine se serre. Il voudrait la prendre dans ses bras. Il voudrait voir son bébé sauter dans son lit, se coller contre lui, sentir la douceur de sa peau, s’imprégner de cette innocence qui le transporte en des endroits si doux. Il geint.

Pourquoi n’arrive-t-il plus à dormir? Depuis des mois, le sommeil le quitte, comme elles l’ont quitté, le sommeil est resté avec elles. Il voudrait dormir comme il n’a pas dormi depuis des mois. S’il arrivait à dormir, ses idées seraient plus claires, il se sentirait moins faible. Il serait peut-être plus fidèle à lui même. Dormir. Il enfonce sa tête dans son oreiller. Il pleure. La solitude interne, ne rien partager de réel dans un univers de paillettes. L’argent qui ne signifie plus rien. Le cirque des photographes et des journaux à potins. Il renifle, il a du mal à respirer. Il regarde la photo de Mathilda, si petite, si douce, son enfant à lui, père. Il veut tant être son père. Plus que tout au monde il veut l’aimer. L’aimer comme il n’a jamais su aimer aucune femme, peut-être parce-qu’il les aime trop, il ne sait pas, il ne sait plus. Il sait juste qu’il veut aimer et la protéger. Il rêve de fidélité, de félicité, mais il a du mal à ne pas voir toutes ces petites fesses qui se pavanent sous nos nez. Les petites fesses qui ne sont rien de plus que du vent dans le néant de ce monde insensé composé de poudre d’étoiles. Il a mal. Dans le placard entrouvert quelque chose surveille. Bien installé dans l’obscurité, quelque chose attend.

Il avale un autre somnifère. Il a oublié le compte des pilules qu’il a avalé, l’esprit en vrille, cela fait déjà deux heures qu’il essaie de dormir, couché à se torturer le cœur, il n’en peut plus. Fuck la marde, il en a trop putain de marre, il veut juste s’assommer le crâne assez longtemps pour survivre à cette douleur qui lui enserre les entrailles. Il avale une dernière gorgée d’eau et se recouche sur son oreiller. Il serre les poings, ferme les yeux, il sent quelque chose approcher. Un bref instant, un flocon de lucidité tombe dans la fournaise de ses cogitations, il se demande combien de pilules il a pris depuis qu’il est rentré? Il a oublié, il veut juste oublier. Une sensation sourde l’étouffe un peu. Il respire avec difficulté. Quelque chose approche. Cela ne peut être que le sommeil. Il l’attend avec soulagement. Il ne voit pas la bête sombre qui se cache en son nuage d’oubli. Il ne veut pas voir la bête sombre qui le chasse depuis si longtemps. Il ne sent pas combien elle l’avale en ricanant à pleines dents. Il sombre. Il plonge dans un sommeil si profond qu’il ne se rend plus compte de rien. Il se meurt sans avoir conscience de ce qui l’aspire. Une sombre créature rugit de bonheur. Ça y est, elle l’a enfin attrapé dans ses filets maléfiques, c’est gagné! La créature en bave de joie, avec cette proie, elle pourra répandre un nuage de tristesse qui touchera plein d’endroits sur la planète. Avec cette proie, une brillante lumière humaine s’éteindra. Les répercussions seront nombreuses. Il est rare que la chose soit heureuse mais avec cette proie, elle célèbre le pouvoir du désespoir. La créature rit d’un son lugubre qui glacerait immédiatement le sang de quiconque l’entendrait. Mais cette bête est de l’autre coté du miroir et dans l’appartement silencieux, personne ne l’entend.

Il rêve qu’il flotte. Il rêve qu’il se réveille, merde alors ça va pas recommencer!!! Voilà qu’il était enfin tombé comme une masse! Voilà qu’il était si proche du repos! Il se lève et il se voit. Merde. Il est debout devant lui. Son corps dort encore. Merde, il est mort! Merde, merde, merde! Il voulait dormir mais pas à ce point là! Peut-être n’est-ce pas irrévocable? S’il essaie de se recoucher dans son corps, il pourra sûrement reprendre le cours de sa vie. Il aime la vie, il aime sa fille, il ne veut pas mourir comme cela! Il se trouve un peu con sentimentalement parlant mais il aime vivre, grandir, mûrir, traverser ses conneries. Il a espoir de devenir un homme meilleur. Il se couche en son corps inanimé. Rien ne se passe. Merde! Merde. Merde. Il se relève. Il se regarde, on dirait bien qu’il dort. Il n’a pas tant l’air mort! Dans un coin sombre de la pièce il entend un rire glauque qui le glace, il se retourne d’un bond. La créature faite d’obscurité sort de l’ombre. Elle l’observe et lui chuchote d’un ton lugubre…

- Je t’ai eu!

Il reste figé. Il regarde son corps qui ne lui sert plus à rien. La créature fait un pas hors de l’ombre, c’est une entité opaque, sans forme précise, qui semble onduler de l’intérieur. Instinctivement Heath se recule. La brume qui embrouillait ses pensées depuis des mois se dissipe d’un coup. Alors que son esprit s’éclaircit la chose commence à parler d’une voix gutturale :

- Tu vois, je t’ai mangé et te voilà tué. N’est-ce pas beau? Sais-tu que je me nourris des conneries de mes proies. Et là tu viens de faire une belle connerie mon gars! Je sais que tu peux me comprendre. Je ne suis pas si loin de cet intense rôle qui a avalé tes dernières forces. Vois-tu, je me suis nourris de tes faiblesses. Enfin j’ai réussi à les utiliser pour mon compte, pour mieux t’attraper. Sais-tu que cela fait des mois que je te chasse. Tu étais une si belle cible, comment résister? Tu faisais rêver tant de jolies filles. Tu étais même capable de toucher les mâles. Tu faisais tant rêver, tu dégageais tant de charisme, tu ne pouvais continuer de répandre ainsi ta lumière divine. Tu aurais du te douter du risque! Je dois avouer que cela ne fut pas facile de t’accrocher mais j’ai réussi à partir du moment où elle t’a foutu dehors. Sans que tu ne le saches, je me suis accroché à tes sacs et j’ai commencé à vivre à tes cotés. J’ai exercé mon influence néfaste sur ta vie avec de plus en plus de facilité. Je savais bien que je pourrais t’avoir. Les autres m’ont dit que je perdais mon temps. Mais je n’ai écouté que mon instinct. Je savais que je pourrais te mettre à ma portée. Oh! Tu t’es débattu un peu mais pas tant que cela finalement. Hollywood est un bon terrain de chasse pour ceux de mon espèce. La pourriture qui se cache sous les paillettes est un excellent déguisement pour les miens. Tu sais de quoi je parle, tu la connais cette pourriture qui te rend malade, c’est celle-là même qui me cache et c’est grâce à elle que je t’ai soufflé du royaume des vivants. Ah! Que la nouvelle est bonne!

Heath serre des dents. Son esprit est plus clair qu’il ne l’a jamais été. L’acidité en ses entrailles le tenaille. Son être lui fait plus mal que s’il avait encore des organes pour ressentir quelque chose de physique. Merde! Putain de merde! La créature est bavarde. Elle continue de converser, elle s’autocongratule et il est hypnotisé par le flot de ces paroles qu’elle déverse sur lui.

- Tu vois, j’ai un pouvoir particulier, j’absorbe les pires craintes et je les renverse. J’en fais mon profit. Ceci m’amuse particulièrement. Ainsi tu craignais au plus profond de toi de ne plus revoir Mathilda, n’est-ce pas? En vérité, peut-être pourras-tu certainement continuer de l’apercevoir, cela ne sera pas de mon ressort mais elle ne pourra plus jamais te voir car tu es mort. Disparu. Fini. Adios. Ces deux dernières pilules que tu as prises, celles que tu as avalés par automatisme sans trop réfléchir, c’était moi qui guidait ta main. Moi qui savais le cocktail fatal. J’ai profité de ta faiblesse pour forcer ce geste mortel! C’est comme cela que je gagne. Je m’insère dans ta vie, je fais grandir tes angoisses et une fois que ta volonté est décimée, je peux te forcer à agir en ma direction. Tu es une proie. Je suis un maître en ma matière. Par ce geste que j’ai inséré en toi, je t’ai capturé. Tu peux te dire que tu n’es qu’une victime de plus à mon tableau de chasse. Mais sache que tu es au top de mon palmarès. Grâce à toi une vague de tristesse touchera des milliers peut-être même des millions de foyers, une multitude de jeunes femmes pleureront sur ton souvenir. Ton destin malheureux sera diffusé sur tous les écrans. L’amertume grandira. L’incompréhension. La confusion. Un souffle tragique traversera le monde et je me délecterai de ce malheur si savoureux. La douleur des tiens sera profonde. Sais-tu que tu viens de briser le cœur de Michelle?

Oui il savait. Il le savait et le comprenait plus que jamais. Comment avait-il pu être aussi con! Maintenant que son corps refroidissait devant lui, il se rendait pleinement compte de tout ce qu’il avait raté. Il avait rendu la vie insupportable à Michelle. Elle avait eu raison de lui en vouloir autant. Il l’avait fait souffrir inutilement. Et maintenant comment allait-elle vivre son ultime bourde? Merde! Il l’avait aimé plus qu’il ne se le fût jamais avoué, il avait aimé sa simplicité et son coté non sensationnel. Il avait aimé ce bon sens qu’il voulait pas respecter. Il aimait l’idée de cette vie qu’elle avait voulu lui offrir. Une vie de parents et d’amants sans histoire. Pourquoi n’avait-il pas été capable de résister? Serait-il dans cette position s’il avait fait plus d’efforts pour elle. Était-ce à cause de cette chose qui l’observait avec acuité qu’il se retrouvait là?

- Oui tu as raison cette fille aurait pu te sauver. Si tu lui avais donné une chance au lieu de suivre ta clique de gypsy qui t’a amené tout droit dans mes bras, tu aurais pu me mettre en échec. Mais là, c’est moi qui gagne la partie. Bingo! Et la cerise sur mon gâteau, c’est que désormais la culpabilité qu’elle ressentira de t’avoir laissé dans ta merde lui rongera le reste de sa vie. N’est-ce pas beau tout cela?

Heath voudrait étrangler cette chose, l’anéantir pour qu’elle se taise Chacun de ses mots est une forme de torture. La haine qu’il ressent envers cette créature est indescriptible. Tandis qu’il la regarde avec hargne, elle change de forme, elle prend allure humaine, elle prend les traits du Joker. Il comprend bien ce qu’elle lui montre. Il comprend trop bien ce qu’elle est. Merde. Il entend une porte s’ouvrir. La femme de ménage entre dans l’appartement. Il se téléporte à ses cotés en une simple pensée. Un peu décontenancé il observe cette femme qui commence à ramasser le linge qui traîne. Elle range les bouteilles, elle met à la poubelle une peau de banane qui pourrit sur le comptoir de la cuisine. Il se place juste devant elle. Elle ne le voit pas. Merde. C’est donc vrai. Il est devenu fantôme? Merde! Elle passe devant sa chambre sans y entrer. Il voudrait la pousser à ouvrir la porte mais il est passé de l’autre coté de la vie. Il ne peut plus la toucher. Il voudrait qu’elle aille le voir. Peut-être peut-on encore le sauver? Si seulement elle pouvait s’en inquiéter. Mais il a beau la suivre de prés, elle le traverse comme s’il ne soit rien d’autre que de l’air. Invisible, il refuse de se résigner. Elle continue d’effectuer ses taches de ménages sans se préoccuper de sa présence. Il se concentre. Rien ne se passe.

La femme sait que c’est un acteur de cinéma, elle l’a déjà vu dans des films, il n’est pas son genre. Elle lui parle peu. Elle fait partie du décor, elle ne fait pas partie de sa vie, elle n’a pas accès à son monde. En une autre pensée, il retourne à sa chambre où l’attend la créature redevenue forme obscure. Il sent qu’elle se nourrit de lui. Elle recommence à parler :

- Savais-tu seulement à quel point tu pouvais toucher les gens? Savais-tu seulement toute la portée de ton talent? Je t’ai fauché en pleine gloire. Ah! Que c’est beau. Mon patron sera fier. Avec toi, je vais gagner du galon. Tu aurais pu mettre tant de lumière dans ton monde. Heureusement pour moi, tu n’as pas su maîtriser tes pulsions destructrices Sais-tu seulement comment ta perte va remuer toute ta communauté, comment elle va arriver à perturber le quotidien de certains? Je prédis que tu vas faire couler des torrents de larmes. Des larmes dans lesquelles je me baignerais avec tant de plaisir. En t’attrapant dans mes cordes, je vais pouvoir répandre toute cette tristesse que tu gardais en toi. Cela va être délicieux. D’ailleurs tu devrais me remercier, je viens de faire de toi une légende…

À écouter déblatérer cette chose immonde, Heath voudrait mourir mais il est déjà mort alors il ne peut rien faire de plus que de se recroqueviller en une petite boule spirituelle. Il voit arriver la masseuse. Dans son coin d’ombre la créature rigole, la masseuse s’approche de son corps. Il s’approche de la masseuse. Il essaie de la toucher mais sa main transparente n’a plus aucune consistance. Il essaie de marcher, Il se rend compte qu’il projette l’image à laquelle il s’est habitué ces 28 dernières années mais que ce n’est plus qu’une illusion. Pendant que la masseuse fait des appels frénétiques avec son téléphone. Il regarde une photo de sa fille, la même qu’il a regardé des heures durant sans être capable de trouver le sommeil tellement son manque d’elle était fort. Sa fille blonde comme les blés, son portrait tout craché, sa fille qu’il ne fera plus jamais rire ni pleurer. Sa fille adorée, son ange tombée du ciel, celle qui a touché son cœur le plus fort. Et c’est à elle qu’il aura fini par faire le plus de mal. Est-ce qu’elle se rappellera encore de lui lorsqu’elle aura vingt ans? Est-ce qu’elle lui pardonnera d’avoir été si faible? Est-ce qu’elle lui pardonnera de s’être laissé emporté par cette chose macabre? De s’être laissé distraire par le plaisir de tout ce que la terre avait à lui offrir, d’avoir abusé des bonnes choses sans avoir su apprécier les vraies beautés sur son chemin. Sa femme. Elle aurait pu être sa femme. Michelle. Elle n’aimait pas le voir rentrer aux petites heures, un de ses potes à ses basques, décomposé par une nuit de party. Elle avait raison. Malgré ce que sa troupe de star en disait, ce n’est pas lui qui méritait mieux c’était elle qui méritait mieux de lui.

La masseuse affolée a commencé à rameuter la cavalerie. Le cirque va commencer. Il est blasé. La créature sans nom le regarde intensément. Un rictus dégueulasse se dessine sur ce qui lui fait office de face. Heath sent une étrange chaleur lui irradier le dos. Il se retourne, une lumière vivifiante apparaît dans la porte de sa salle de bains. Une lumière vive qui l’attire. Il hésite. Il regarde la photo de Mathilda posé à coté de son corps sans vie. Il a besoin de la revoir une dernière fois. Il fait un mouvement de coté, il traverse la fenêtre et flotte dans l’air. Les lumières d’une sirène apparaissent dans son champ de vision. Il revient dans la chambre. Mathilda. En une pensée il est vers elle, à l’autre bout de la planète, sur un autre continent, il la rejoint. Elle joue tranquillement. Il s’assoie à ses cotés. Elle le regarde. Il lui sourit. Elle babille. Elle est si jolie. Derrière elle il voit de nouveau apparaître la lumière chaude. Il y voit se dessiner sa grand-mère qui lui fait signe de la main. Sa grand-mère regarde aussi l’enfant. Il voudrait pleurer mais n’y arrive pas. Il ne veut pas partir tout de suite. Il veut rester prés d’elle. L’enfant sourit. Derrière lui le souffle de la chose obscure lui glace l’esprit. Il ne veut pas de cette chose en présence de son enfant. Il fait volte-face. Sans s’en rendre compte, le voilà revenu dans la chambre où réside encore sa dépouille. Il sort par la fenêtre.

Il flotte au dessus de la rue. Il voit par la vitre de sa chambre que l’on emballe son corps dans un sac. Un sac noir. Il ne fait plus partie de cette carcasse que l’on emmène vers sa destination finale. À l’entrée de l’immeuble, une foule s’est amassée. Il s’en approche. Il voit des larmes. Il voit des âmes esseulées en quête de sensations fortes. Il sent la tristesse qui se répand. Il sent aussi une fébrilité humaine qui l'écœure. Devant lui jaillit de nouveau la lumière qui l’appelle, il pressent sa bonté, il s’en approche timidement. Il entend hurler la chose immonde derrière lui. Il ne veut plus entendre causer cette horreur. Il prend son élan et plonge dans la lumière qui l’englobe. Une lumière envoyée par des anges bienveillants, une lumière vive qui le transporte vers ces étoiles qui brillent éternellement…

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Journaliste. Traductrice, Auteure. Photographe. Geekette. "Roadie" à ses heures. Dino-blogueuse qui surfe l'infernale Toile depuis ses balbutiements du siècle dernier. Se souvient de la préhistoire numérique... Maman passionnée d'une fillette au prénom ensoleillé...